BD : Dessine-moi un rêve à Ciudad Juarez

De leur séjour à Ciudad Juarez en octobre 2010, les dessinateurs de BD Edmond Beaudoin et Jean-Marc Troubet ont rapporté un carnet de voyage sous forme de bande dessinée.  "Viva la vida. Los sueños en Ciudad Juárez" témoigne de la vie quotidienne de ses habitants, de leur espoirs et surtout de leurs rêves.

 

A presque 70 ans, Edmond Beaudoin garde l'esprit d'un jeune baroudeur et surtout d'un homme libre. "Mes enfants sont grands maintenant, ils ont moins besoin de moi", concède-t-il. La Chine, l'Inde, le Chili, Cuba, le Québec, le Mexique, ce Provençal originaire de la région de Nice a parcouru bien des pays et exercé plusieurs métiers au cours d'une vie bien remplie. Comptable à Paris en 1968, professeur d'université au Québec quelques années plus tard, mais c'est en tant que dessinateur que l'homme s'est accompli. "Les opportunités se sont offertes à moi, puis j'ai suivi mon destin", raconte-t-il simplement.

Sa découverte du Mexique est assez récente. Grâce à quelques amis, l'artiste vit quelques mois dans une maison paradisiaque en 2010 située dans la campagne du Morelos. Imprégné du roman de l'auteur chilien Roberto Bolaño 2666 et sensible à la cause féministe, Edmond Beaudoin s'intéresse à Ciudad Juarez et "son enfer". Il décide alors de partir voir l'envers de son décor mexicain en octobre 2010, en compagnie d'un ami dessinateur Jean-Marc Troubet dit Troub's. " Partir à Ciudad Juarez, c'est quelque chose que l'on ne peut pas demander à sa petite amie" glisse-t-il avec un sourire.

 

"Offre-moi un rêve et je t'offre un dessin"

Ciudad Juarez traîne derrière elle une telle réputation de terreur et de violence que ses habitants ne sont jamais très enclins à se livrer aux journalistes souvent avides de sensationnel. "Dessiner dans la rue est beaucoup moins intrusif que de venir avec son appareil photo ou sa caméra, explique Edmond Beaudoin. Je disais simplement aux gens : "Offre-moi un rêve et je t'offre un dessin". Et souvent, je recevais un chaleureux abrazo. "

Au fil des rencontres, les enfants, les femmes, les curieux adoptent ces artistes français et livrent une facette de leur vie, une part de leur rêve. Fait assez exceptionnel, une responsable de maquiladora accepte même d'ouvrir les portes de son usine afin que les dessinateurs récoltent les rêves des ouvrières. Seule image manquante, celles des policiers qui patrouillent dans la ville. "Ils cachent leur visage sous des cagoules, pour ne pas être reconnu mais aussi pour ne pas se livrer au dessinateur..."

 

L'espoir d'un changement

Un rêve, c'est aussi un espoir. Depuis de son séjour à Ciudad Juarez, Edmond Beaudoin reste partagé sur le sentiment de la population. " Je crois que certains intellectuels, professeurs ou militants d'associations ont l'espoir que la situation puisse changer mais la plupart des habitants qui vivent un quotidien difficile ont un sentiment de fatalité."

Lors de la grande marche pour la paix du 5 au 8 mai initiée par le poète écrivain Javier Sicilia, les organisateurs ont déclaré : "Ciudad Juárez est considérée au niveau national comme un lieu emblématique qui représente la lutte infatigable contre les injustices et la douleur, et où l'espérance n'a jamais disparu. C'est dans cette ville touchée par tant de sang versé que doit se faire la signature du pacte citoyen (Pacto Ciudadano) le 11 juin prochain."

Le dessinateur Edmond Baudoin veut aussi croire à un espoir de changement à Ciudad Juarez et dans tout le pays. " La mort du fils du poète Javier Sicilia est peut-être la goutte de sang qui fait déborder le vase de l'exaspération..." conclut-il.

 

JML
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